Bonjour à tous,
Lors de l’annonce de la mise en ligne de ce nouveau site internet, je vous avais promis d’y publier mes récits de compétitions mais j’avoue avoir traîné pour prendre la « plume ». C’est maintenant parti pour un rapide flashback du début de saison avec zoom sur cet été, avant de passer un peu plus de temps pour vous raconter l’Ironman de Barcelone de samedi dernier.
« Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. »
Nicolas Boileau, L’Art Poétique (1674)
Cette année a débuté pour moi en Thaïlande au centre d’entraînement sportif Thanyapura. Le cycle d’entraînement mis au point pour cette période avec Nick Hemet mon entraîneur semble efficace et je me trouve en grande forme à mon retour en Europe. Ma première échéance, le semi-marathon de Paris, avait plutôt bien débuté… Jusqu’à la pluie ! Après 8 mois en Asie sans jamais connaître moins de 25°C, le choc est brutal. Je me disais plutôt résistant au froid jusque-là mais force est de constater que les adaptations développées pour la chaleur ont aussi amoindri celles pour les basses températures. Je termine cette première compétition de la saison en hypothermie, bien loin de mon objectif.
(Thanyapura by night. Photo Pierre Mouliérac)
La suite se déroule lors de l’Ironman du Texas. C’est certainement la compétition de l’année sur laquelle je suis arrivé avec le plus de confiance mais aussi celle où l’échec a été le plus cuisant. J’avais pourtant bien préparé mon coup, dévoilant notamment au grand public le cintre « pliable » Morf, inventé par mon ami Frank Springett rencontré à Houston et validé lors d’essais préalables grâce à la Fédération Française de Cyclisme. Mes similitudes sur l’état d’esprit avec Frank m’ont convaincu que ce projet irait loin et que je me devais de participer à son développement. Pour revenir à la course, tout s’est très bien passé jusqu’à la 6ème heure de course. Très brutalement, c’est la panne sèche et je termine en alternant marche et trot malgré mes efforts pour résister. C’est une fois la tête dans le mur que l’on voit le mieux le mur et je réalise un peu trop tard que mon plan nutritionnel en course était bien trop léger et qu’il allait falloir utiliser un peu plus d’Isostar pour subvenir à mes besoins…
(Something is missing. Photo Carl Fehres)
La remise en question est profonde, et nous décidons avec mon cercle de conseillers qu’il va falloir prendre le temps d’assurer un Ironman afin d’y passer un marathon correct, sans prise de risque avant. Le cap est mis sur l’Ironman d’Autriche à Klagenfurt. Après mon abandon là-bas l’année précédente, j’avais une revanche à prendre… Je réalise une partie de ma préparation à Font-Romeu où j’ai eu la chance de pouvoir m’entraîner avec le champion, Frederik Van Lierde, un athlète pour lequel j’ai un profond respect.
(Avec Frederik Van Lierde, sur les rives du Lac Matemale)
Quelques heures d’entraînement plus tard, me voilà sur la ligne de départ à Klagenfurt, paradoxalement prêt à prendre mon temps… Contrairement à mes habitudes, je laisse filer dès la natation puis reste dans ma bulle sur le vélo. Encore 3ème au semi-marathon derrière Jan Frodeno et Eneko Llanos, mon psoas droit qui m’avait donné quelques alertes m’empêche maintenant de fléchir ma hanche. Je termine -une nouvelle fois- un Ironman en marchant… Prise de conscience n°2 : ne pas négliger la préparation physique. En effet, depuis les premières mesures que j’ai pu effectuer j’ai un fort déséquilibre entre mes jambes gauche et droite lors du pédalage. De l’ordre de 45% vs 55%. Les semaines avant l’Ironman d’Autriche ce déséquilibre avait dégénéré jusqu’à atteindre des valeurs spontanées de 42% vs 58%. Avant la blessure…
(Juste avant la déroute…)
Cette blessure, la première de ma carrière triathlétique, fût très difficile à accepter. La sagesse (pas forcément toujours la mienne !) m’impose à grand regret de renoncer à l’Ironman de Nice et à prendre mon temps pour me soigner. Mon été est heureusement égayé par mon mariage avec Mathilde qui me permet de penser à autre chose et de vivre de très heureux moments. Au niveau de l’entraînement, je suis forcé de stopper le travail d’intensité en course-à-pied et à limiter mon volume global pour cicatriser. J’ai aussi modifié ma position sur le vélo avec des manivelles plus courtes et une potence plus relevée afin d’alléger la charge sur mon psoas.
Mon retour à la compétition se fait sur l’Ironman 70.3 Vichy. En effet, Nick mon entraîneur avait demandé à Mathilde et moi de venir l’encourager pour son Ironman le dimanche. Quitte à se déplacer, autant courir aussi et nous avons accepté avec plaisir ! Je me doutais que ma forme ne serait pas optimale mais que cela me permettrait au moins de valider ma guérison. Mon objectif premier restant la qualification à Kona, c’était aussi l’occasion de collecter quelques points et de préparer au mieux l’Ironman du Pays de Galles trois semaines plus tard. Accueillis royalement par Aurélie et Christophe à Vichy, l’occasion était belle pour relancer une spirale vertueuse. Je souffre pourtant dès la natation et me retrouve à nager en solitaire pendant la quasi-totalité. Je parviens à revenir temporairement sur la tête de course en vélo, avant de prendre une correction par Andi Boecherer et Fred Van Lierde sur la difficulté principale du circuit. Encore à portée ensuite, une mauvaise orientation de ma part avec Manuel Küng me fait perdre un temps très précieux. Comme je le dis souvent à propos de ces situations, il n’y a pas vraiment de hasard et cette erreur est bien la mienne. Je termine ce 70.3 Vichy troisième devant un public français bouillant sur le semi-marathon. S’il est forcément frustrant de ne pas batailler avec sa meilleure forme, j’aurais pourtant signé avant la course pour ce résultat !
(Sur les quais de l’Allier, Ironman 70.3 Vichy. Photo Jacky Everaerdt)
Direction le Pays de Galles et la petite ville de Tenby. D’après notre hôte Dave auquel j’adresse un immense merci au passage, la ville aurait la plus grande proportion de population au monde ayant terminé un Ironman. Et je n’ai pas de mal à le croire vu la ferveur du public pendant la course ! Le slogan de l’épreuve « Slay the dragon » littéralement « Tuez le dragon » résume par contre la difficulté de l’épreuve… Saupoudrez ceci avec de la pluie et 60km/h de vent, vous obtenez une épreuve dantesque et un véritable défi sportif.
(Slay the Dragon, vue d’artiste de l’Ironman Wales par Duy Phan)
L’objectif pour moi n’avait pas changé depuis l’Autriche : baisser d’un cran mes ambitions et réaliser une course pleine avec en particulier un bon marathon. La natation est groupée et je sors en tête de T1.
(« Flying start » sur l’Ironman Pays de Galles)
La suite se passe seul dans ma bulle et je serai doublé par plusieurs athlètes sans jamais réagir. La pluie s’intensifie en fin de vélo et je regrette amèrement de ne pas avoir les freins à disque du Cervélo P5X avec moi ! Pour ne pas me mettre en danger, je perds beaucoup de temps en descente. Un sympathisant à l’Ironman avait en plus versé un peu d’huile sur la route pour ajouter du piment ! La satisfaction viendra des montées dans lesquelles j’arrive à être offensif sur le final. La partie commence réellement lors du marathon. Mon allure ralentit du 20 au 30ème et je lutte contre mes pensées pour qu’elles ne basculent pas vers les échecs passés. Comme me le hurle Sylvestre (Stallone dans Rocky Balboa) ou plutôt Mathilde dans ses encouragements « It ain’t about how hard you hit. It’s about how hard you can get hit and keep moving forward! ». A partir de là, je parviendrai à relancer pour terminer 6ème de cet Ironman, mon premier Top10. J’approche aussi de mon record sur marathon Ironman malgré les 500m de dénivelé positif avec 3h10m15s (mon record était de 3h08m56s sur l’Ironman Texas 2016 après un vélo raccourci à 151km pour cause d’inondations). La spirale vertueuse prend de la vitesse…
J’ai à ce moment la conviction profonde de pouvoir faire encore mieux et la volonté de (me) le prouver. Je décide alors de participer à l’Ironman de Barcelone, seulement 3 semaines après le Pays de Galles. Avec 100 coureurs professionnels sur la liste de départ dont plusieurs pointures, la course s’annonçait belle ! Cela m’a laissé quelques jours pour me reposer et passer quelques séances supplémentaires pour affiner mon état de forme. La veille, mon « support crew » est arrivé en nombre avec ma famille et mes amis : 11 personnes au total ont fait le déplacement pour m’encourager, et je sais aussi qu’ils seront nombreux à suivre le live derrière leur ordinateur toute la journée. Le jour J, comme à mon habitude, le réveil sonne 3h avant le départ, ce qui ne fait « que » 5h du matin avec le rythme espagnol. Mathilde ne dort déjà plus depuis un moment…
8h08 : Go ! Nous nous élançons dans la Méditerranée. La course commence pour le mieux, je prends un bon départ et me retrouve de suite en tête de la course et vire en première position à la bouée des 300m. Il n’y aura pas de cassure nette et la journée est encore longue, je décide donc de me ranger dans l’aspiration des autres nageurs. A la sortie de l’eau, nous formons un pack de 10 hommes.
(Sortie du parc, Mathilde me crie les écarts en arrière-plan)
Après une bonne transition, je me retrouve seul en tête avec environ 30″ d’avance sur un groupe de 9 poursuivants qui me reprendra au bout d’une vingtaine de kilomètres. Là encore, je reste patient… Au 65ème km, grosse frayeur : ma chaîne déraille et je suis obligé de mettre pied à terre. Je perds une trentaine de secondes qui me coûteront un effort important pour revenir au contact de la tête de course. Je décide de tester mes adversaires au 95ème km. Cette fois-ci est la bonne et mon avance se creuse ! Seul le néo-zélandais Mike Phillips suivra et nous poserons le vélo ensemble, 6 minutes devant notre premier poursuivant Philip Graves.
(Juste devant Mike Phillips au retour vers Calella)
La course-à-pied part pour un mano a mano avec Mike Phillips, tout en gardant un œil sur les redoutables coureurs à pied à l’arrière (Viktor Zyemtsev , Joe Skipper, Miguel Tinto, Bertrand Billard, Sven Riederer…). Mike Phillips prend jusqu’à une minute d’avance sur moi au 15ème km… Vers le semi-marathon, je revois Mathilde mais ne peux placer un seul mot car elle me donne les écarts sur ce qui me paraît représenter les 3000 autres concurrents… Je cherche pourtant à lui dire quelque chose, et je ne pourrai le faire que lorsque je la recroise 2km après :
« Regarde bien ce qu’il va se passer maintenant, C’EST TON CADEAU D’ANNIVERSAIRE ! ».
Je me surprends moi-même par l’aplomb de cette déclaration et me dis qu’il va falloir assumer sévèrement alors que je ne suis encore que deuxième, que derrière moi la poursuite est lancée sur des bases élevées, et que mes statistiques pronostiqueraient plutôt sur un second semi-marathon en 3h…
Je reprendrais pourtant la tête de la course au 24ème km, pour ne plus jamais la quitter !
(Heureux comme un Tigre qui vient d’attraper sa proie…)
Au final, mon chrono de 7h49m19s est un nouveau record de France (l’ancien était détenu par Cyril Viennot en 8h02m44s !) et un premier « Sub8 » français, c’est la 10ème performance mondiale de tous les temps sur le circuit Ironman et un nouveau record de l’épreuve. Mon chrono vélo de 4h09m58s est aussi un nouveau record national (l’ancien appartenait à Christophe Bastie en 4h14m34s). Mon chrono sur le marathon de 2h46m50s est un record personnel, amélioré de 22 minutes !
(Bis)
Cette course aura confirmé une de mes convictions, la persévérance et le travail payent et cela m’a été rendu au centuple ce samedi 30 Septembre. Je ne compte plus les fois où j’ai entendu des discours comme « tu es doué sur half-Ironman, tu étais 5ème du ranking mondial l’an dernier, pourquoi tu ne fais pas que de l’half ? ». Mais mon rêve, c’est Kona.
“I tried so hard
And got so far
But in the end
It doesn’t even matter
I had to fall
To lose it all
But in the end
It doesn’t even matter”
In the End – voix de Chester Bennington pour le groupe Linkin Park (2000)
Objectifs à venir :
- Challenge Thaïlande (Half) 22/10/17
- Laguna Phuket Triathlon 19/11/17
- Ironman 70.3 Bahreïn 25/11/17
Antony
Go, Tiger!
Pas grand chose à ajouter, superbe récit. Il y a un coté très humain et de partage dans tes écrits, c’est top, point barre. Cette saison est un tremplin. Encore un peu de mental sur tes possibilités, et les futures pages seront belles. Respect gars !
Et bien simplement … Bravo le tigre !! super récit .
Perso je ne peux que te souhaiter de gouter à nouveau à toutesses emotions. Pour toi, pour Mathilde, ta famille et tes amis.
Tu nous fais rêver, tu en fais envier d’autres. Ne quitte plus ton objectif.
Go tiger et Merci pour le partage.
Un grand Bravo a vous deux . Ne changer rien . Keep going
Félicitations Antony et merci pour cette fraîcheur d’esprit. On te souhaite d’aller encore plus loin !